Civile 2ème 18 octobre 2007
Civile 2ème 18 octobre 2007
Commentaire d’arrêt : Civ. 2ème 18 octobre 2007
-
Cet arrêt de rejet est prononcé le 18 Octobre 2007 par la 2ème Chambre Civile de la Cour de Cassation et intervient dans le domaine de l’action en justice, et plus particulièrement à propos de l’intérêt à agir, qui est une condition de recevabilité pour toute action en justice.
Il s’agit en l’espèce d’une affaire de vol d’engin forestier, M. X a assigné M. Y et la société Equipement Matériel Service (EMS) en réparation du préjudice lié à ce vol, et au paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive.
La Cour d’Appel de Reims, par un arrêt du 11 juillet 2006 déclare irrecevables les demandes de M.X. Celui-ci forme un pourvoi en cassation.
La Cour d’Appel justifie sa décision en expliquant que M.X ne justifiant aucun droit de propriété sur l’engin litigieux et ne pouvant mettre en cause la responsabilité de M.Y et de la société EMS, il n’a pas d’intérêt à agir, rendant ainsi son action irrecevable.
Il s’agit donc de savoir si l’inexistence d’un droit invoqué par le demandeur d’une action en justice est une condition d’irrecevabilité de son action, sur le fondement de l’absence d’intérêt à agir.
La Cour de Cassation, en sa deuxième Chambre Civile, répond par la négative et accueille le pourvoi.
En effet il affirme que l'existence du droit invoqué par le demandeur n'est pas une condition de recevabilité de son action mais de son succès.
Cet arrêt envisage la notion d’action en justice sous l’angle de l’intérêt à agir et de la confusion avec l’existence d’un droit invocable.
L’intérêt à agir est en effet une condition essentielle de l’action en justice (I), c’est un prérequis à toute action en justice (I. A.), la Cour d’Appel de Reims l’invoque pour débouter le demandeur de ses prétentions (I. B.).
Cependant, l’intérêt à agir ne doit pas être assimilé au(x) droit(s) invoqué(s) (II), comme le rappelle la Cour de Cassation (II. A.), cette solution des juges suprêmes, incontestable théoriquement, pouvant néanmoins susciter quelques réflexions quant à son application pratique (II. B.)
I. L’intérêt à agir, une condition essentielle de l’action en justice
Henri Motulsky dans sa théorie de l’action en justice dispose d’une tétralogie qui résume les 4 étapes de l’action en justice.
La deuxième étape est celle du droit d’agir en justice, et est composée d’une série de conditions sin aequa non pour agir en justice.
L’intérêt à agir en justice en fait partie, cette condition est nécessaire à toute action en justice (A). Dans les faits d’espèce, la Cour d’Appel De Reims par sa décision du 11 juillet 2006 utilise cette condition pour débouter le demandeur de ses prétentions. (B)
A. Une action en justice est subordonnée à l’existence d’un intérêt à agir
L’action en justice est ouverte à toute personne qui y a un intérêt. Cette règle est également exprimée par l’adage « pas d’intérêt pas d’action ». L’explication de cette exigence est simple. C’est la nécessité d’empêcher les contestations inutiles, d’éviter d’encombrer les tribunaux par des demandes inutiles ou purement théoriques.
La saisie d’une juridiction doit se justifier par la volonté d’obtention d’un bénéfice directe pour les parties, soit matériel ou moral.
Cette exigence est consacrée par l’article 31 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Article 31 code de procédure civile
« L'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé. »
Selon le doyen CORNU, l’intérêt à agir c’est « la constatation d’un mal et la possibilité d’un remède pour y remédier »
L’intérêt doit être né, actuel, direct et personnel.
Le juge a un pouvoir souverain d’appréciation de l’intérêt d’une partie à agir.
Il en fait par exemple application le 31 janvier 1990 (Civ, 2ème) :
« (… ) ce dernier et ne pouvait dès lors se prévaloir des dispositions de l'article 188 du Code civil mais devait justifier d'un intérêt à agir ; que c'est par une appréciation souveraine qu'il a estimé que Mme X... ne justifiait ni d'un intérêt pécuniaire ni d'un intérêt moral ; que le moyen n'est donc pas fondé ».
C’est donc une condition procédurale, deuxième étape de la tétralogie de Motulsky, qui permet un premier filtrage des actions en justice.
Cependant le risque est de voir les juges utiliser cet argument pour écarter une demande, en arguant sur son non fondement pour évincer l’intérêt à agir invoqué.
C’est précisément le cas dans la décision du 11 juillet 2006 de la Cour d’Appel de Reims.
B. L’application de l’article 31 du NCPC par la Cour d’Appel de Reims
Dans cette décision rendue par la 1ère section de la Chambre Civile de la Cour d’Appel de Reims le 11 juin 2006, les juges ont estimé que le demandeur n’avait pas d’intérêt à agir, car son action n’était pas fondée juridiquement.
En effet, ce dernier demandait la réparation de son préjudice lié au vol d’un engin forestier et des dommages et intérêts pour procédure abusive.
Cependant, la Cour d’Appel analyse ses demandes et déduit qu’il ne justifie pas son droit de propriété sur l’engin litigieux, ce qui retire tout fondement à son action en réparation suite au trouble de la propriété constitué par le vol de l’engin.
De plus il ne peut mettre en cause la responsabilité des parties qu’il a assignée en justice.
La Cour d’Appel de Reims, par un jugement sur le fond, déboute le demandeur de ses prétentions, se justifiant en relevant le non fondement juridiques de ses demandes.
Il s’agit là d’une appréciation tout à fait souveraine de la Cour d’Appel quant à un jugement de fond.
Néanmoins le problème est que la Cour d’Appel a réalisé cette analyse au moment de l’examen de recevabilité de la requête. Elle déclare sa demande irrecevable en s’appuyant sur l’absence d’intérêt à agir, c’est à dire que d’examen procédural, ces demandes ne sont pas régulières puisque celles ci ne satisfont pas à l’exigence d’intérêt à agir. Mais leur analyse portait en réalité sur le fond et non pas sur l’existence ou non d’intérêt à agir. Il s’agit donc d’une confusion entre la deuxième et la quatrième étape de la tétralogie de Motulsky : confusion entre l’examen de la demande en justice (procédure) et son analyse de fond (le jugement).
Il y a donc une confusion entre la recevabilité de l’action et son fondement.
Le demandeur forme un pourvoi en cassation pour régulariser la procédure de recevabilité de sa demande. La Cour de Cassation accueille son pourvoi par une décision du 18 octobre 2007, rappelant la non assimilation de l’action au droit.
II. La non assimilation de l’action au droit
Par un arrêt du 18 octobre 2007, les juges suprêmes rappellent la juste interprétation de l’article 31 du Code de Procédure Civile (A) en cassant l’arrêt de la Cour d’Appel de Reims du 11 juin 2006.
Cette solution classique, bien que juridiquement incontestable et essentielle, peut susciter quelques remarques (B)
A. L’application de l’article 31 par les juges suprêmes
La 2ème Chambre Civile de la Cour de Cassation, spécialisé en procédure civile, par un arrêt du 18 octobre 2007, rappelle la juste interprétation de l’article 31 du Code de Procédure Civile concernant l’intérêt à agir.
La confusion entre la recevabilité de l’action et son fondement a déjà été rencontré à plusieurs reprises, notamment dans l’arrêt du 27 Janvier 1999 (Civ. 3ème), dans lequel la Cour de Cassation a travers sa solution exprime la nécessité de ne pas confondre l’action et le droit :
« L’existence du droit invoqué par le demandeur n'est pas une condition de recevabilité de son action mais de son succès »
C’est donc cette solution qui est reprise dans l’arrêt susvisé, confirmant ainsi la position de la Cour de Cassation quant à la méthode utilisée par certains juges pour écarter une demande : examiner le fond pour en déduire l’intérêt à agir.
Par la suite, la Cour de Cassation, devant à nouveau faire face à ce problème récurrent de confusion, reprécise sa position par un arrêt du 6 mai 2004 de sa 2ème chambre civile :
« L'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action, et que l'existence du préjudice invoqué par le demandeur n'est pas une condition de recevabilité de son action mais de son succès »
La jurisprudence considère donc que l’intérêt à agir n’est pas soumis à la démonstration préalable du bien-fondé de l’action, que l’existence du préjudice invoqué par le demandeur n’est pas une condition de recevabilité de son action mais de son succès.
Une telle solution permet de respecter la procédure et les différents examens d’une requête, garantissant ainsi le droit d’agir en justice et consacrant un rôle concret et indépendant à la notion d’intérêt à agir en justice.
Cependant, cette application stricte de l’article 31 du Nouveau Code de Procédure Civile peut susciter quelques critiques dans certains cas.
B. Une solution trop « théorique » ?
La position rappelée par la 2ème Chambre Civile de la Cour de Cassation le 18 octobre 2007 consacre l’hermétisme des examens de formes et des examens de fond.
Le bien-fondé d’une action ne peut être confondu avec l’intérêt à agir. C’est une solution nécessaire et essentielle pour le respect de l’indépendance de l’examen du droit d’agir en justice. Il faut examiner la recevabilité d’une requête avant de s’intéresser au fond de celle ci.
Donc en cela, la solution classique et maintes fois réaffirmée de la Cour de Cassation est une bonne chose.
Cependant, à l’heure où les tribunaux sont engorgés, croulant sous les dossiers et les multiples affaires dont la complexité tend même à devenir politique, il est pertinent de se poser la question de la souplesse des tribunaux quant aux affaires dont la procédure peut être allégée.
Le cas d’espèce illustre parfaitement le cas où une affaire va demander plusieurs examens là où un seul pourrait suffire.
Dans les faits, les juges n’ont pas examiné la recevabilité réelle de la demande en s’attachant à l’intérêt à agir du demandeur, mais ont analysé directement le fond de sa requête. Certes, il y a violation de l’article 31 du Code de procédure civile, certes les juges ne se sont pas prononcés sur son intérêt à agir, mais la finalité de l’affaire est dite : sa requête n’est juridiquement pas fondée.
Lui opposer une fin de non recevoir pour irrecevabilité de sa demande, sachant que ses prétentions sont infondées, peut conduire à une deuxième affaire le concernant, cette fois ci avec une demande recevable, mais où l’examen des fonds sera le même ! Ce qui signifie une double analyse par les juges, soit une perte de temps.
Trouver une solution où le juge pourrait juger le fond d’une affaire irrecevable peut être alors pertinent ?
Cette solution originale est par exemple débutée par la chambre Commerciale le 2 décembre 1997 qui avait déclaré l’action irrecevable, et quand bien même elle eût été recevable, elle était mal fondée.
Certes, juger sur le fond directement en évinçant l’étape de recevabilité est indiscutablement juridiquement contestable, mais l’intérêt pour certaines affaires de faibles importances (à prétention peu importante par exemple) est réel, puisque une flexibilité des tribunaux ne leur permettrait-il pas des gains d’efficacité en ces temps de polémique ?
L’arrêt d’appel du 11 juin 2006 de la Cour d’Appel de Reims fait apparaître un malaise quant à l’utilisation de la notion de l’intérêt à agir pour déclarer irrecevable une action en justice, puisque les juges procèdent, pour écarter un requête, à une confusion entre la recevabilité d’une action et son fondement.
Cet arrêt du 18 octobre 2007 de la 2ème Chambre Civile de la Cour de Cassation repose donc la juste interprétation de l’article 31 du Code de Procédure Civile, et réaffirme ainsi l’importance du respect des étapes de la procédures, avec la distinction de l’examen de forme (la recevabilité) et l’examen de fond (le jugement) d’une demande d’action en justice.
Cependant, dans un contexte d’actualité juridique polémique, la question d’une éventuelle souplesse supplémentaire pour le filtrage des requêtes (examen de recevabilité) peut être pertinente pour réaliser certains gains de temps et d’efficacité dans les tribunaux.
Correction :
A. La qualité à agir d’une association en défense d’intérêts collectifs
Définir intérêt à agir.
Or pour les associations c’est la qualité à agir.
Il faut une qualité à agir : titre juridique conférant le droit d’agir : droit de saisir le juge
Définir intérêt collectif : parcelle d’intérêt général
B. Pas besoin d’habilitation législative pour agir en justice pour les associations désormais
En principe il faut une habilitation, c’est la loi uniquement qui détermine les conditions auxquelles sont subordonnées les conditions d’agir en justice pour une association
24 mai 2004 Civ 2 : l’arrêt reprend cet attendu
Civ 3 26 septembre 2007 : solution proche
Ces solutions se retrouvent déjà dans les jurisprudences des juges du fond.
C’est un renversement du principe de l’habilitation législative.
II. Caractère superflu quant à une disposition express quant à l’emprunt des voies de recours
Alors que l’arrêt en date du 18 septembre 2007 réaffirme la nécessité d’une conformité à
A. Conformité intérêt collectif avec objet social
C’est le contenu de l’objet social qui va déterminer la recevabilité de l’action en justice des associations.
Peu importe la prévision d’une disposition expresse ou non.
1999 Eglise catho de la Cannée contre Brest dans laquelle la CEDH a estimé que le refus d’attribuer la personnalité juridique à l’Eglise catholique lui entravait son droit d’accéder à un tribunal.
L’insertion dans les statuts d’une simple clause ne peut pas avoir pour fonction de discriminer les associations entre elles dans l’accès au prétoire.
B. Les craintes suscitées par ce bazar
C’est une jurisprudence critiquée.
Ce sont les fondateurs de l’association eux mêmes qui définissent l’objet social.
Cela revient à laisser la détermination de la recevabilité aux personnes qui vont déterminer l’objet social
Encombrement des tribunaux possible.
Possibilité de détourner le but des associations vers un but lucratif, alors que ce n’est pas leur intérêt d’origine.